Friday, June 20, 2008

There is no place like home...


Baie des Chaleurs


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Avec ton nom prédestiné, tes échancrures de mer bonne, aurais-tu rencontré Cartier bien avant qu’il ne te nomme?
Seraient-ce les mûres sauvages, la salmonie, le vent d’en bas, la truite rosée des montagnes qui le saoulèrent tant de fois?
Aurait-il bu le paysage? Troué le rocher en fleur? Voulu aussi lui rendre hommage sans se soucier de ses humeurs? Ou bien croisé les canicules, vêtu de fourrures et d’écorces?
Était-il donc si incrédule, ignorant du froid qui immole?
Quand il s’est mouillé dans la baie, Adam ne savait point la pomme, la pierre à fusil, l’aparté, le commerce qui tuerait l’homme. Ne connaissait que l’Indien, le morse gris à dents longues, l’aube frileuse et le matin, l’écume furetant sur l’onde.
Naviguant à l’estime de soi, par longitude et par degré, il s’enhardit au nom du roi, prenant possession de l’été, lorgnant le pays dans la glace de pacotille déballée, reflet de miroirs à deux faces, farcis de plumes et de gibiers.
Jusqu’aux hanches utérines d’Honguedo de Tracadièche, il défila si bien sa rime en son journal de surpêche, qu’avant que le vent l’encalmine sur les rives de Restigouche, l’Espéranza dans sa frime lui avait mis l’or en bouche.Ce n’était qu’un pays mirage pour roi trop vaniteux.
Quand l’hiver soudain fit rage, le scorbut vint ouvrir son jeu. De l’œil pour œil, au dent pour dent. Le chaman a beau être vieux, reste encore le plus savant pour guérir le blanc envieux.
Au printemps il leva les voiles, emportant les fils de tribu; à défaut de joindre l’étoile, le roi verrait de ses yeux vus, tous ses trésors souvent trompeurs, dont l’Anglais ferait son affaire. En toute langue, en tout honneur, le paria dû faire la guerre.
Encore aujourd’hui, ce pays porte le nom de tes espoirs. La chaleur dont il se nourrit, depuis a cassé tes miroirs.
Sur les poumons de ta savane, le tamtam a rejoint le monde. Au stéréo du qui perd gagne l’écume ne court plus sur l’onde.
C’est un pays encore à faire, à dire, à naître et à nommer. C’est un ancêtre à son affaire, occupé à semer le blé. Entre les souches et les fardoches, la conscience et l’identité, l’audace et le trou dans la poche de son, de la fleur a germée
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